OREANET
Réseau d'Observation Régional des Acanthasters
Les Acanthasters
Un risque majeur pour les récifs coralliens
Nouvelle-Calédonie
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Changement climatique
L'aggravation du risque acanthaster constitue un problème réel dans le Pacifique
Parmi le large éventail des perturbations qui pèsent sur les écosystèmes coralliens, l’étoile de mer corallivore Acanthaster planci est une cause majeure de destruction des récifs, dont l’impact est quantitativement comparable à celui des cyclones.
Kayal et al. 2012

Une étoile de mer géante et vorace 

Etoile de mer Acanthaster planci

Acanthaster planci est une étoile de mer inféodée aux récifs coralliens qui se distingue par sa taille importante : jusqu’à 70 cm de diamètre, pour un poids pouvant atteindre 3 kg chez les adultes. De couleur très variable selon les régions, elle comporte un grand nombre de bras (généralement 16 à 18) et porte sur sa face supérieure de longues épines enduites d’un venin hautement toxique. Elle porte d’ailleurs le nom vernaculaire « d’étoile de mer épineuse ». Les acanthasters ont la particularité d’être exclusivement corallivores au stade adulte : elles se nourrissent des polypes coralliens en dévaginant leur estomac sur les coraux avant de libérer leurs enzymes digestives (digestion extra-corporelle). Une fois les polypes consommés, l’acanthaster laisse derrière elle uniquement le squelette calcaire du corail : ces cicatrices alimentaires sont facilement reconnaissables par leur couleur blanche. 

Habituellement présentes sur les récifs à de très faibles densités, les acanthasters sont une composante naturelle de l’écosystème : dans un récif corallien en "bonne santé", les acanthasters sont relativement peu abondantes, de l’ordre de 1 à 15 individus par hectare de récif, et n’ont aucune incidence significative sur l’abondance, le recouvrement et la diversité des assemblages de coraux. Au contraire, elles contribueraient au maintien de la diversité corallienne grâce à leurs préférences alimentaires marquées : en général, les coraux branchus à croissance rapide (comme les Acropora et les Pocillopora) sont préférées aux coraux massifs et à croissance plus lente (ex. les Porites). Une acanthaster adulte peut consommer jusqu’à 12 m² de corail par an.

Les acanthasters n’ont que peu de prédateurs : à part le grand triton (Charonia tritonis, la « Toutoute »), seuls certains balistes, poisson-coffres ou napoléons les consomment occasionnellement. Elles disposent également d’une formidable capacité de reproduction sexuée : une seule femelle adulte peut pondre jusqu’à 60 millions d’œufs, avec un taux de fertilisation très élevé.

Les « explosions démographiques »

Infestation d'A. planci au Vanuatu en 2014

Pourtant, les populations d’acanthasters peuvent parfois « exploser » pour atteindre des valeurs extrêmement élevées : jusqu’à plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’individus par hectare pouvant persister pendant des mois ou des années sur de vastes étendues de récifs. Ces proliférations sont l’une des perturbations biotiques les plus graves pour les récifs coralliens. Plus d'un tiers des récifs du Pacifique sont actuellement concernés par ce phénomène : le Japon, Palau, Guam, Samoa, la Grande Barrière de Corail et, plus récemment, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, le Vanuatu, Fidji et Kiribati sont parmi les pays du Pacifique les plus affectés, avec des mortalités de coraux massives pouvant dépasser 90% dans les zones les plus touchées entrainant un déclin de la diversité des espèces  associées. 

En dépit d’efforts de recherche soutenus menés par la communauté scientifique depuis le début des années 70, la dynamique des proliférations d’A. planci est encore insuffisamment comprise. Le lien entre pollution locale, dégradation des coraux, et pullulations d’acanthaster a été avancé par quelques chercheurs, mais cette hypothèse reste peu crédible dans la mesure où de nombreux récifs en bonne santé ont été touchés par des invasions d’acanthasters.

Pour d’autres auteurs, ces explosions démographiques seraient un phénomène naturel cyclique, lié aux caractéristiques du cycle de vie et à la dynamique des populations de cette espèce.


La faute au triton ?

Pour certains chercheurs, la surpêche des prédateurs naturels des acanthasters et notamment du triton Charonia tritonis (la « Toutoute ») serait responsable des explosions d’acanthasters. Cette hypothèse est de moins en moins considérée car les densités de triton sont naturellement faibles, même dans les récifs en bonne santé. De plus, un triton consomme en moyenne une acanthaster par semaine… enfin, cette hypothèse ne permet pas d’expliquer les pullulations d’acanthaster survenues au cours des siècles précédents.

Changement climatique et « risque acanthaster »

Impact d'A. planci à Mooréa, d'après Kayal et al. 2012

Actuellement, à l’échelle du Pacifique, l'incidence des épisodes d’infestation d'acanthasters semble augmenter en fréquence et en intensité, sous l’influence probable des changements climatiques affectant la région. L’augmentation de la température des eaux de surface et leur enrichissement en nutriments suite à l’accroissement des précipitations en zone côtière sont considérés comme des facteurs favorables à la survie des larves d’acanthaster, donc à l’augmentation des populations d’adultes atteignant les récifs.

Etant donné les grandes capacités de dispersion de l’espèce (la phase larvaire dispersive peut atteindre 42 jours), l’aggravation du "risque acanthaster" à l’échelle régionale constitue un problème réel dans le contexte des scénarios de changement climatique actuels. Même s’il existe des preuves historiques montrant que les récifs coralliens peuvent se rétablir après coup, ces proliférations ne font qu’exercer encore plus de pression sur des systèmes déjà affaiblis. Les effets en cascade de la disparition des coraux peuvent avoir des répercussions très néfastes sur la communauté corallienne tout entière : baisse importante de la diversité et de l’abondance de nombreuses espèces de poissons et d’invertébrés, voire basculement d’un système corallien vers un système type « algue ». D’où les inquiétudes qu’ils suscitent dans les pays où les ressources côtières (poissons et invertébrés) constituent la base de la pêche vivrière traditionnelle.

Infestations : quelles solutions ?

Ramassage des acanthasters au Vanuatu

Aucune méthode ne permet à l’heure actuelle de lutter efficacement contre les infestations d’acanthasters. La plus courante à travers le Pacifique consiste à prélever manuellement les acanthasters pour les détruire à terre, ce qui permet de maîtriser les proliférations, au moins à petite échelle. Les acanthasters sont généralement récupérées manuellement par des plongeurs en palmes, masques et tuba, munis d’outils simples –lances, bâtons, crochets, fusils sous-marins et sacs– puis enterrées ou brûlées à terre. L’efficacité de ces mesures est très contestée, car i) leur efficacité écologique est douteuse en cas de prolifération grave et/ou très étendue ; ii) elles exigent une main-d’œuvre importante et un engagement durable, sans compter les risques importants de blessures pour les intervenants ; et iii) il est essentiel de les organiser au bon moment, en tenant principalement compte de la période de ponte, variable selon les latitudes.

L’injection de solutions toxiques entrainant la mort des étoiles de mer est une technique couramment utilisée pour réduire l’impact des infestations sur certains récifs, mais elle présente des inconvénients sérieux. Ces dernières années, de nombreux produits chimiques ont été utilisés puis progressivement abandonnés en raison d’effets nocifs pour l’environnement. La plupart présentent en outre un coût de revient très élevé, hors de portée des communautés côtières du Pacifique.



Citron et vinaigre, une méthode écologique 100% efficace

En 2014, une équipe de l'IRD a mené des recherches en collaboration avec le service des Pêches du Vanuatu, où de sévères infestations d’acanthasters sévissent de façon récurrente depuis les années 2000. Une nouvelle méthode a été mise au point, basée sur l’injection de solutions à base de jus de citron et de vinaigre : particulièrement efficaces et peu couteux, ces produits constituent une alternative écologique hautement crédible aux agents chimiques habituellement employés dans le Pacifique.
Voir l'article : Moutardier et al. 2015